Les assurances-vie à nouveau dans le viseur de l’administration fiscale…

Le 07 janvier dernier, l’administration fiscale a adopté une circulaire venant bouleverser le régime favorable de taxation entre époux titulaires d’une assurance-vie.

Depuis la réforme des régimes matrimoniaux de 2018, le code civil établit que la valeur de rachat d’une assurance-vie souscrite par un des époux est un bien propre non soumis aux droits de succession lors du premier décès.

Le fait que le bien soit considéré comme propre justifie sur le plan fiscal qu’aucune taxation n’est due. Seule une récompense civile équivalente à la valeur de rachat est due en faveur de la succession. Ainsi sur le plan civil, cette valeur est équitablement répartie entre les héritiers: le conjoint survivant reçoit d’abord la moitié de la récompense et ensuite, l’autre moitié de la récompense fait l’objet d’une dévolution classique, à savoir l’usufruit pour le conjoint survivant et la nue-propriété pour les enfants. Aucun droit de succession n’est du.

Au travers de sa circulaire du 07 janvier dernier, l’administration entend désormais imposer une relecture de l’article 8 du code des droits de succession qui assimile déjà fictivement une assurance-vie à un legs afin de pouvoir appliquer les droits de succession*.

Désormais, selon l’administration fiscale : “l’objet de la taxation du legs fictif instauré par l’article 8 sont ‘les valeurs‘ qu’une personne est appelée à recevoir”.

Toujours selon l’administration : “Il importe donc peu que la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie soit qualifiée par le code civil de propre à tel ou tel conjoint puisque cette valeur de rachat n’est pas l’objet du legs fictif.”

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Prenons deux exemples (parmi d’autres) :

  • Assurance-vie souscrite par un époux marié sous le régime de la communauté : Jean et de Marie sont mariés sous le régime de la communauté. Jean souscrit à une assurance-vie sur sa propre tête au profit de son épouse. Le contrat d’assurance ne se dénoue qu’au décès de la tête assurée, Jean. Marie vient à décéder avant Jean, ce qui signifie que le contrat ne se dénoue pas. Le contrat d’assurance a été alimenté au moyen de fonds commun mais au décès de Marie, les droits que Paul détient dans la police d’assurance sont réputés propres en vertu du code civil. Une récompense sera néanmoins due au patrimoine commun mais sans pour autant que cette récompense ne soit taxée. Désormais selon la nouvelle position de l’administration, la valeur de rachat de l’assurance devra être immédiatement taxée en droit de succession au décès de Marie.

  • Assurance-vie « deux têtes » qui se dénoue au dernier décès : A présent, considérons que Marie et Jean ont souscrit ensemble à un contrat d’assurance-vie, chacun en qualité de preneur et de tête assurée et que ce contrat a été alimenté au moyen des fonds communs des époux. Au décès du premier époux, le contrat d’assurance ne se dénoue pas et les droits sur le contrat sont automatiquement transférés au conjoint survivant. Ces droits sont des biens propres, ce qui signifie qu’aucune taxation en droit de succession n’est due. Seule une récompense sera établie en faveur du patrimoine commun. A nouveau, l’administration considère désormais que les droits sont dus au premier décès.

Ce nouveau positionnement de l’administration fiscale pose question. Selon la doctrine belge déjà montée au créneau, seule une loi et en aucun cas une circulaire de l’administration fiscale est en mesure de venir établir de nouveaux éléments imposables. Certains estiment déjà qu’il n’est pas improbable que cette circulaire fasse l’objet d’un recours auprès du conseil d’état.

D’ici là, la prudence s’impose.

 

* Il est intéressant de noter que sans cet article 8, une assurance-vie échapperait totalement aux droits de succession car, en tant que mécanisme de stipulation pour autrui, le bénéfice de l’assurance-vie est réputé ne pas transiter par le patrimoine du défunt. Autrement dit, le bénéficiaire tire de l’assurance vie un droit propre qui n’entre pas dans la succession du défunt. Sur le plan fiscal, cet effet à donc été gommé par l’article 8