La clause bénéficiaire en pratique : la désignation commune des enfants et du conjoint ! Partie 4

Comme nous l’avons vu dans mes articles précédents, il est fondamental de s’intéresser à la rédaction de la clause bénéficiaire lors de la souscription d’une assurance-vie d’épargne ou de placement. 

Après avoir abordé successivement la désignation du conjoint/cohabitant légal et la désignation des enfants, intéressons-nous spécifiquement aujourd’hui à la désignation conjointe, d’une part des enfants et du conjoint et d’autre part des enfants et du cohabitant légal.

Bien souvent, en pratique, nous constatons que les personnes souscrivent à une assurance-vie en choisissant la clause standard du type “le conjoint, à défaut, les enfants, à défaut la succession”. 

Ainsi, selon cette clause, le conjoint hérite de tout et s’il fait défaut (prédécès par exemple), les enfants héritent du tout, etc. Il s’agit d’une clause en cascade.

Si une telle clause est parfaitement adaptée dans bien des situations, il existe des cas d’application où elle trouve moins de sens et où une clause bénéficiaire d’attribution conjointe entre le conjoint survivant et les enfants serait plus adaptée.

Je pense ainsi notamment aux deux situations suivantes : 

  1. Lorsqu’un couple à un niveau de vie relativement aisé et que le patrimoine commun est constitué de sorte que chaque conjoint est correctement protégé en cas de décès de l’autre, il peut être intéressant de déroger à la clause standard susvisée afin de limiter l’impact fiscal successoral. En effet, avec cette clause, c’est le conjoint survivant qui héritera de la totalité du capital de l’assurance et les taux progressifs de l’impôt successoral s’appliqueront.

    Ainsi, il pourrait-être intéressant de casser cette progressivité en désignant les enfants conjointement. Chacun sera alors taxé sur une base imposable plus faible à des taux de taxation moins élevés.

    Prenons un rapide exemple très basique : Un homme décède en laissant son épouse et leurs deux enfants. Son patrimoine est composé au jour de son décès d’une assurance-vie pour une valeur de 800.000€. Si la clause standard susvisée est applicable, la conjointe sera taxée sur les 800.000€ en pleine propriété (taux marginal de 30% au-delà de 500.000€). Elle paiera 176.625€ de droits de succession.

    Si à l’inverse, la clause standard était remplacée par une clause bénéficiaire d’attribution conjointe entre le conjoint survivant et les deux enfants, la conjointe serait taxée sur 400.000€ (taux marginal de 24%) et les enfants sur 200.000€ chacun (taux marginal de 14%). Ainsi la conjointe paierait 62.625€ et les enfants paieraient 17.625€ chacun, soit un total de 97.875€ de droits de succession. Sans autres explications, l’économie fiscale serait de l’ordre de 78.750€.

  2. Dans le contexte d’une famille recomposée où il existe des enfants non communs, il est peut-être justifié de mentionner conjointement le conjoint et ses propres enfants afin d’éviter de priver totalement les enfants du défunt du capital de l’assurance.

    Je m’explique : imaginons que Paul a deux enfants issus d’une première relation. Après son divorce, Paul s’est remarié avec Martine. Au décès de Paul, Martine recueille l’entièreté du capital de l’assurance. Vous l’aurez compris, au décès de Martine, les enfants de Paul n’étant pas les enfants de Martine, ils n’auront pas vocation à recueillir à leur tour le capital de l’assurance. Mais bien les enfants de Martine. Ils n’hériteront dons pas de leur propre père, ce qui n’est souvent pas la volonté des personnes.

    Il peut donc être intéressant de prévoir non pas la clause standard susvisée mais une clause de désignation commune du conjoint est des enfants.

    Avec une clause du type “le conjoint et les enfants, à défaut la succession ”, il faut alors être attentif au libellé de l’article 173 de la loi sur les assurances qui règle spécifiquement la manière dont le capital de l’assurance doit être partagé en cas de décès.

    Ainsi, ce n’est pas la règle classique de la dévolution successorale civile selon laquelle le conjoint recueille l’usufruit et les enfants la nue propriété de l’entièreté de la succession qui s’appliquera mais la règle spécifique de l’article 173 de la loi sur les assurances, à savoir : le conjoint recueille la moitié du capital en pleine propriété et les enfants se partagent l’autre moitié en plein propriété par parts égales (voir exemple ci-dessus).

    Cependant, il est à noter que l’article 173 de la loi ne vise spécifiquement que le conjoint, à défaut du cohabitant légal. Ainsi, en cas de désignation conjointe du cohabitant légal et des enfants, chacun recueille une part égale du capital décès. Ainsi, en présence d’un cohabitant légal et de deux enfants, chacun recevra 1/3 du capital.

Exemples : 

  1. Paul est marié et désigne conjointement son épouse et leurs deux enfants. Le capital décès est de 100.000€. A son décès, son épouse recueille 50.000€ en pleine propriété et chaque enfant 25.000€ en pleine propriété.

  2. Paul est en cohabitation légale et désigne conjointement sa compagne et leurs deux enfants. A son décès, sa compagne recueille 33.000€ ainsi que chacun de ses enfants.

A bientôt.

Source : cet article est inspiré du très bon ouvrage de Monsieur Paul van Eesbeeck : P. Van Eesbeeck, Assurances-Placements (branche 21 et branche 23), Rotselaar, V&V Publishing, 2019