L’assurance-vie comme outil de pension autour d’un cas pratique ! Partie 2

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Il y a 15 jours j’écrivais un article dans lequel je présentais la situation d’un jeune indépendant en personne physique, Paul, qui cherchait à se constituer un revenu complémentaire pour sa pension, tout en réduisant sa pression fiscale.

Pour rappel, lire l’article complet ici

Reprenons aujourd’hui le cours de notre histoire. Paul a désormais 42 ans et vient de se lancer à son compte. Il crée son cabinet et va exercer son activité au travers d’une SRL. Paul s’octroie une très belle rémunération de 100.000,00€ brute. Les affaires se portent très bien pour lui et il réalise chaque année un bénéfice taxable important.

Paul vient à nouveau voir son conseiller afin de s’assurer que les contrats en place sont encore bien adaptés.

Le conseiller de Paul l’informe alors de l’évolution des contrats et lui explique qu’il va devoir mettre en réduction sa CPTI mais qu’il va avoir la possibilité de souscrire à la place, un contrat de type “engagement individuel de pension” (EIP). Paul est intrigué. 

Concrètement, voici ce que Paul va mettre en place :  

  • Un EIP souscrit par sa société à son propre profit. 

  • La prime récurrente maximale fiscalement déductible que la société est en mesure de verser, s’élève à 16.179€. 

  • Paul a fait un gros bénéfice au travers de sa société en 2019. Il envisage également une prime de rattrapage de ses années de carrière passée. Fiscalement, Paul à la possibilité de verser une prime de rattrapage de 103.810€. Il décide de “lisser” cette prime pour les années à venir et envisage de verser 20.000€ en 2019.   

  • Au total, en 2019, Paul versera une prime récurrente de 16.179€ et une prime unique de 20.000€, soit une charge professionnelle de 36.179€

  • Si Paul maintient le même niveau de rémunération jusqu’à sa pension, le capital potentiel projeté au terme se situera entre 563.258€ et 702.294€.    

Paul comprend alors que ce produit va lui permettre de se constituer une pension complémentaire significative. Il est ravi d’avoir pris l’initiative d’aller voir son conseiller.  

Un exemple c’est bien mais voulez-vous connaître les caractéristiques de l’EIP ? Lisez la suite.

Un EIP est donc un outil de pension souscrit par une société au profit de son dirigeant. Cet outil peut être souscrit au travers d’un contrat d’assurance-vie, généralement de la branche 21 à capital garanti. La société est donc preneur du contrat, le dirigeant est assuré (en cas de vie et de décès) et bénéficiaire de la prestation d’assurance s’il est en vie à sa prise de pension. Si le dirigeant est décédé, le capital est versé à un bénéficiaire que le dirigeant aura pris soin de désigner préalablement, en tenant compte des règles successorales civiles et fiscales. (nous y reviendrons dans un prochain article).

C’est donc la société qui paie les primes et pourra les déduire comme charge professionnelle. 

Pour déterminer la prime maximale fiscalement déductible, il y a lieu de calculer ce que l’on appelle la règle des 80% : “Les primes ne bénéficient d’avantages fiscaux que dans la mesure où les prestations qu’elles génèrent en cas de vie, exprimées en rente annuelle et pension légale incluse, n’excèdent pas 80% de la dernière rémunération brute annuelle normale, en tenant compte d’une durée normale d’activité professionnelle”.

Voici pour la définition. Concrètement, cela signifie que la totalité de votre pension (la somme de votre pension légale et des éventuelles pensions complémentaires) dans le cadre d’une carrière complète de 40 ans ne peut dépasser 80 % de votre dernière rémunération annuelle brute normale.

Bien souvent, les indépendants adaptent leur rémunération brute sans vérifier cette règle. Cela peut avoir des conséquences importantes lorsque l’on sait qu’une prime qui ne respecterait pas la règle des 80% peut être rejetée par l’administration fiscale comme DNA (dépense non admise). L’administration ayant également le pouvoir d’infliger un accroissement d’impôt de 10%.    

Il convient donc d’être prudent et de passer voir son conseiller d’année en année.

La contrepartie de cette déductibilité est que chaque prime subit une taxation de 4,4% et que le capital au terme fait également l’objet d’une taxation. 

Concrètement, le capital et les éventuelles participations bénéficiaires, subiront la taxation suivante : 

Capital

  • Retenue INAMI : 3,55 % ;

  • Cotisation de solidarité : 2 % (0 % – 2 %);

  • Impôt : taux d’imposition distinct.

Le taux d’imposition distinct s’élève à :

  • 20 % si votre capital de pension est versé à 60 ans (16,5 % à la pension légale);

  • 18 % si votre capital de pension est versé à 61 ans (16,5 % à la pension légale);

  • 16,5 % si votre capital de pension est versé à 62, 63, 64 ans, ou à l’âge légal de la pension;

  • 10 % si votre capital de pension est versé à l’âge légal de la pension ou à l’âge où vous avez atteint une carrière complète conformément à la législation applicable en matière de pension ET si vous êtes resté effectivement actif jusqu’à cet âge.

En cas de décès :

  • 16,5 % ;

  • 10 % lorsque le capital de pension est versé à partir de l’âge légal de la retraite OU à partir de l’âge auquel une carrière complète est atteinte conformément à la législation applicable en matière de pension ET si vous êtes effectivement resté actif jusqu’à cet âge.

Participation bénéficiaire

  • Retenue INAMI : 3,55 %;

  • Cotisation de solidarité : 2 % (0 % – 2 %);

  • Pas d’impôt.

Capital en cas de décès suite à un accident

Ce capital est imposé comme une rente fictive.

A ce niveau, il est important de rappeler qu’un EIP est un excellent outil pour sortir une partie du “cash” de la société vers le patrimoine de son dirigeant, au même titre qu’un dividende, qu’une réserve de liquidation ou autre. Certes, il y a taxation au terme mais cette taxation reste tout de même attractive, ce qui place l’EIP sur pied d’égalité avec les autres outils fiscaux permettant un transfert du patrimoine d’une société vers le patrimoine d’une personne physique.

La seule contrainte de l’EIP est qu’en principe, le cash n’est pas disponible avant la prise de pension effective. Raison pour laquelle, l’EIP ne peut être le seul outil fiscal mis en place mais doit au contraire être intégré dans une stratégie “cash out” plus globale.

Il existe tout de même une exception à l’indisponibilité du “cash”. Il est effectivement possible d’utiliser son EIP pour une rénovation ou un financement immobilier. 

Utiliser sa société pour financer un projet immobilier en privé, intéressant non ? J’y reviendrai spécifiquement dans un prochain article.  

Un point que je n’ai pas encore abordé dans cet article est celui de la prime de rattrapage, autrement appelée “Back service”. 

Cette prime tout à fait unique et propre à l’EIP permet de financer une partie de votre carrière passée en dehors de votre société, jusqu’à 10 ans au maximum. Le paiement se fait alors sous forme de prime unique. Bien entendu, dans le respect de la règle des 80%, le niveau de la prime effectivement versée annuellement est libre et permet dans bien des cas, de “lisser” le back service et de mettre donc en place une stratégie de paiement sur plusieurs années.

Finalement, retenez simplement qu’un EIP est un excellent outil dont les avantages sont nombreux : outil de constitution de pension complémentaire, outil de financement immobilier privé, outil de transfert de cash d’une société vers un particulier, outil d’optimisation successorale d’un point de vue civil, véhicule de support à d’autres garanties comme une couverture décès ou une couverture revenu garanti, etc.   

A ces avantages, il convient de garder à l’oeil certains inconvénients : taxe sur la prime et taxation au terme, liquidité du capital limité, règle fiscale des 80% à respecter strictement, ce qui justifie un suivi régulier.

Mais malgré ces quelques inconvénients, l’EIP reste un outil de choix que tout indépendant en société, pour autant qu’il en ait les moyens, devrait envisager de mettre en place.