L’assurance-placement : un outil de transmission patrimoniale. Partie 1

Comme nous l’avons vu dans mes précédents articles, l’assurance-vie dans sa dimension d’outil de placement financier peut également servir à l’organisation de la transmission successorale d’un patrimoine mobilier.

Il est indéniable aujourd’hui que l’assurance-vie peut être un excellent outil de placement financier, au même titre que le placement bancaire. Certes la structure des frais est différente et il faudra s’acquitter d’une taxe de 2% à la souscription du contrat, ce qui n’existe pas avec un placement bancaire, mais à l’inverse du placement bancaire, il n’y aura pas de taxe boursière et de taxe sur les plus-values appliquées au capital de l’assurance-vie.

Actuellement, les assurances-vie de la branche 23, liées à des fonds d’investissement, permettent de réaliser des placements à rendement potentiellement élevés, à l’instar des assurances-vie de la branche 21 à taux d’intérêt garanti. (1)

Si les assurances-vie présentent aujourd’hui un attrait en termes de placement financier, il ne faut pas perdre de vue que c’est d’abord la structure tripartite du contrat d’assurance qui en fait un outil de transmission patrimoniale incomparable.

Dans mes précédents articles, je me suis intéressé à cette structure tripartite du contrat d’assurance-vie et j’ai insisté sur l’importance de la rédaction de la clause bénéficiaire.

Aujourd’hui mon objectif est d’introduire une série d’articles sur les différentes techniques permettant la transmission d’un patrimoine mobilier en réalisant une optimisation fiscale au niveau successoral.

Dans ce premier article, je rappellerai le principe fiscal des droits de succession et de donation et j’introduirai brièvement l’intérêt d’une donation mobilière véhiculée par une assurance-vie.

Dans une approche plus pratique, j’aborderai ensuite les différentes configurations d’assurances permettant de réussir une correcte transmission patrimoniale et une bonne optimisation fiscale.

L’impôt successoral est un impôt qui s’applique sur la part du patrimoine qu’un héritier est appelé à recevoir suite au décès d’une personne.

Le problème réside dans le fait que l’impôt successoral est un impôt progressif augmentant en fonction de la consistance du patrimoine. Au plus celui-ci est conséquent, au plus la facture est salée.

En région wallonne, les taux en ligne directe grimpent jusqu’à 30% pour toutes les sommes dépassant 500.000€.

Des taux différents existent en fonction du degré de parenté entre les héritiers et le défunt (2).

Si aucun lien de parenté n‘existe, le tarif entre étrangers est alors applicable. Le taux sera de 80% pour toutes les sommes au-delà de 75.000€…

Il peut donc être intéressant de chercher à réduire la facture…

Prenons un exemple simple pour illustrer :

Jean est marié et a deux enfants. Au jour de son décès, il laisse deux appartements de rapport pour une valeur de 600.000€, une maison pour une valeur de 500.000€, des placements bancaires pour une valeur de 500.000€ et un gros contrat d’assurance-vie pour une valeur de 900.000€. La valeur totale de son patrimoine s’élève à 2.500.000€. Pour simplifier l’exemple, Jean est propriétaire à 100% des biens.

Ainsi, les droits de succession dont chacun devra s’acquitter s’élèveront respectivement à :

– 306.225€ pour son épouse qui recueille l’intégralité du patrimoine en usufruit ;

– 71.235€ pour chacun des deux enfants qui recueillent une moitié chacun du patrimoine en nue-propriété.

Soit un total de 448.695€ de droits de succession.

Diverses techniques juridiques permettent alors de réduire cette facture.

Une première solution aurait été d’équilibrer quelque peu le patrimoine entre monsieur et madame afin d’avoir une taxation sur des montants plus faibles lors de chaque décès et ce, à des taux de taxation plus avantageux.

Une autre solution et nous nous arrêterons sur celle-ci, aurait été que Jean se dépossède d’une partie de son patrimoine de son propre vivant. Une manière de le faire est la « donation » (3).

Le régime fiscal des donations est quelque peu différent du régime des droits de succession. Il convient de distinguer le régime des droits de donation immobilière du régime des droits de donation mobilière.

Concernant les donations immobilières, le régime est identique à celui des droits de succession bien que les taux soient plus faibles. Autrement dit, c’est un taux de taxation progressif qui trouve à s’appliquer sur la valeur de la part de l’immeuble donné.

Le taux étant plus faible et appliqué sur une valeur moins élevée que sur l’entièreté de la succession, la donation immobilière permet ainsi de réaliser une optimisation fiscale.

Concernant les donations mobilières, le taux est fixe et varie en fonction de la région et du degré de parenté. En région wallonne, en ligne directe, celui-ci est fixé à 3,3% (pour plus d’information : www.notaire.be).

Un taux fixe limité permet effectivement de réaliser une très belle opération d’optimisation successorale.

En repartant de notre exemple ci-dessus, imaginons à présent que Monsieur ait réalisé une donation du contrat d’assurance pour moitié à chacun de ses deux enfants et que les droits de donation aient été réglés dans le chef de chaque enfant, soit respectivement 14.850€ par enfant.

Monsieur décède et son patrimoine s’élève à 1.600.000€.

Ainsi, les droits de succession dont chacun devra s’acquitter s’élèveront respectivement à :

– 171.225€ pour son épouse ;

– 18.795€ pour chacun des deux enfants.

Soit un total de 208.815€ de droits de succession, auxquels il convient de rajouter les 29.700€ de droits de donation pour un total global de 238.515€.

En réalisant une donation de son vivant, outre le coup de pouce financier donné à ses enfants, Jean a ainsi réalisé une belle optimisation fiscale leur faisant économiser au total 210.180€.

Le principe étant expliqué, faisons à présent le lien avec l’assurance-vie.

Dans certaines circonstances l’assurance-vie peut servir à canaliser une donation mobilière préalablement réalisée par virement bancaire ou peut servir directement de véhicule pour la réalisation donation mobilière.

Dans le premier cas, la donation mobilière est réalisée par virement bancaire à charge pour le donataire de souscrire un contrat d’assurance-vie afin d’organiser la donation, d’y inclure éventuellement une charge de rente au profit du donateur ou une clause de retour conventionnel en cas de prédécès du donataire. Nous y reviendrons.

Dans le second cas, lorsqu’une assurance-vie sert de véhicule à une donation mobilière, il sera important de veiller à respecter la législation spécifique sur les donations et ainsi s’assurer de l’existence d’une libéralité réalisée au travers du contrat d’assurance. Autrement dit, il faudra notamment pouvoir démontrer que l’assurance-vie renfermait bien une donation à titre gratuit, c’est-à-dire que le donateur souhaitait effectivement se dépouiller gratuitement d’une partie de son patrimoine et d’en gratifier un tiers.

Il faudra également être attentif à ce que la donation ne soit pas faite « sous la condition suspensive qui se réalise par la suite du décès du donateur ». Bien que cela ait été accepté pendant des années, le code des droits d’enregistrement wallon (ce qui est vrai en Flandre et à Bruxelles également) exclut désormais clairement de l’application du régime des droits de donation fixes et libératoires de telles donations sous conditions suspensive. La majorité des contrats d’assurance-vie tombe malheureusement dans ce contexte précis et sont donc taxés en droits de succession.

En termes plus simples : la structure de certains contrats d’assurance suppose que le versement de la prestation de l’assureur au bénéficiaire désigné dépend de la durée de vie de la tête assurée souvent le preneur du contrat souhaitant réaliser la donation. Cette incertitude quant à la durée de vie du preneur et donc quant à la réalisation effective de la donation, constitue ainsi ladite condition suspensive qui exclut d’office le régime favorable des droits de donation.

Sur le marché, on rencontre le plus souvent des contrats de type « AAB » dans lesquels A est le preneur et la tête assurée et B est le bénéficiaire. Par exemple, un père souscrit un contrat d’assurance et prévoit qu’à son propre décès le capital sera versé aux enfants. Si le contrat permet ainsi d’organiser civilement le transfert du capital vers les bénéficiaires désignés, cela n’empêche que ceux-ci devront s’acquitter de l’impôt successoral.

L’optimisation fiscale est alors à chercher dans une autre structure de contrat.

Des solutions existent. Cela fera l’objet de mes prochains articles. J’aborderai au travers d’exemples concrets chaque configuration d’assurance permettant une optimisation tant civile que fiscale d’un transmission successorale.

Un conseil à ce stade, faites vérifier la structure de vos contrats d’assurance-vie afin de vous assurer que l’effet souhaité se réalisera bel et bien en pratique.

(1) En raison du risque inhérent aux assurance de la branche23, tout investisseur sera attentif à une bonne diversification de son portefeuille en investissant dans des fonds variés (fonds durables, fonds immobiliers, fonds d’action/obligations de pays émergents, européens, fonds d’actions/obligations mondiales, etc.).

(2) Des taux différents existent également entre les différentes régions du pays

(3) Bien entendu, il convient d’être prudent lorsque l’on planifie une transmission successorale car seul l’aspect fiscal ne peut être pris en compte. Il arrive souvent que des personnes, guidées par une volonté à réduire coûte que coûte la facture fiscale, en oublient que la donation est irrévocable et se retrouvent ainsi dans une situation financière délicate. Il faut donc être prudent car donner signifie forcément se déposséder définitivement.